La A 126, fantôme radioactif d’une autoroute mort-née

L’autoroute A87 était le nom d’un projet de rocade périphérique de l'agglomération parisienne (voir : La A 87, l'autre autoroute, au bout de la rue de Launay). Quand il a été abandonné, un nouveau projet de raccordement entre l’A12 et l’A6 (d'où le nom A126) au nord de St Quentin en Yvelines est resté sur la table, qui s’est ensuite réduit à une jonction de l’A6 à la N118 à Saclay, avec dans un premier temps, le raccordement de l’A6 et de l’A10 afin d’assurer un débouché (jugé provisoire à l’époque) de l’A10 vers Paris.
Une déclaration d'utilité publique est adoptée en 1970 : les expropriations devaient être achevées dans un délai de cinq ans.

La première section (Palaiseau-gare  – Champlan) est ouverte en juillet 1972, et la section Champlan - Chilly-Mazarin (2,370 km) en décembre 1976.
Pour sa réalisation, des terres provenant de l’assainissement des terrains de l’usine du Bouchet, à Vert-le-Petit en Essonne, ont été utilisées entre janvier et mars 1975. Exploitée de 1946 à 1971, elle était la première usine française de traitement de minerai d'uranium, de raffinage et conversion d’uranium, ainsi que de traitement du combustible nucléaire usé.
Ont également été enfouies de juillet 1974 à mars 1975 des terres provenant du site  de l’ancienne usine de  la « Société nouvelle du Radium » qui avait produit du radium à Gif-sur-Yvette, de 1907 à 1956. Son assainissement avait été décidé suite au scandale qu’avait déclenché l’abandon sans surveillance de ces terrains contaminés (cf. Le canard enchainé, 10 juillet 1974).

La  municipalité de l’époque ne s’est pas élevée contre ce stockage. Le 18 mars 1975, le journal le Monde pouvait donc rapporter l’heureuse conclusion à Gif-sur-Yvette : « Des ouvriers équipés à certains moments de scaphandres et de gants de protection enlèvent une couche de terre atteignant parfois 2 mètres d'épaisseur et la remplacent par un mètre de bonne terre. Aujourd'hui on peut lire une pancarte : ‘Beaux terrains à vendre’. Pourtant, le lotissement doit faire l'objet d'un dernier contrôle avant d'être autorisé à la vente. »

Leur radioactivité est jugée très faible (environ 3 Bq/g) mais aujourd’hui, ils feraient l’objet d’un stockage dans un centre dédié, exploité par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radio-actifs. (Cf. Site de l’ANDRA)

Bien que la déclaration d’utilité publique ait encore été prolongée de 5 ans jusqu’en 1980, la liaison vers Saclay s’est perdue dans les difficultés et, de ce segment qui préfigurait ce qui avait failli être la A87, est resté ce barreau de liaison. Le nom de « A 126 », qui faisait référence à la liaison entre A12 et A6, lui est resté (circulaire n°96-36 du 11 juin 1996, relative à la nomenclature des autoroutes). Chilly-Mazarin doit être la seule ville à bénéficier de l’appellation autoroute pour une bretelle de 6 km, dont une bonne partie est en double sens, à seulement deux fois une voie (son statut autoroutier est d’ailleurs masqué sur les sections à double sens). En fait le nom d’A126 n'apparaît sur aucun cartouche, au profit de la mention A10. Il se dit que ce sont les chaussées extérieures du tronçon central Palaiseau-Champlan, re-calibrées en 1990, qui seraient numérotées A10, et les chaussées centrales qui conserveraient le nom d'A126.
L’A126 est donc le fantôme radioactif d’une autoroute mort-née, fantôme qui vient hanter les automobilistes qui restent à l’arrêt du fait de l’engorgement que provoque l’étroitesse de ses voies et de son pont au-dessus de l’A6. Passant, quand tu l’emprunteras, aies une pensée pour l’autoroute A 126 dont l’âme électromagnétique cherche le repos dans les limbes du schéma directeur routier de l’Ile de France !