Non au béton ! La manifestation d'octobre 1974

Le 14 mai 1973, le conseil municipal vote un petit point inscrit en « questions diverses » : la modification du coefficient d’occupation des sols au Pré du Roi pour permettre à un promoteur, Cogifrance, de construire deux tours et deux immeubles sur un terrain dont une partie était primitivement englobée dans le territoire de Longjumeau et venait d’être rattachée à Chilly-Mazarin par arrêté du Préfet de l’Essonne du 27 novembre 1972. Créée en 1958, la Compagnie Générale Immobilière de France, Cogifrance, est une des principales filiales du Groupe Edmond de Rothschild ; c’est elle qui a conduit la réalisation des résidences du Sud.

Mais les riverains estiment qu’après les 4 tours de Gravigny, Cogifrance ne doit plus remettre en cause ses engagements initiaux, elle qui vantait « la ville à la campagne » et annonçait « des immeubles de trois étages seulement ».

L’absence d’enquête publique et le principe même de modification des règles de constructibilité,  alors qu’un Plan d’occupation des sols (POS - l’ancêtre de nos Plans locaux d’Urbanisme – PLU) est en cours de préparation, sont donc vivement contestés.

 

L’association « l’Envol de Chilly – Gauche socialiste unie » dépose un recours contre ces irrégularités et contre le permis de construire délivré le 6 novembre. Elle obtient du tribunal administratif de Versailles un sursis à exécution le 3 juillet 1974, sursis que Cogifrance conteste mais que le Conseil d’Etat confirme le 16 juillet. Pourtant, malgré ces deux décisions de justice, les travaux continuent ! La contre-attaque est alors vigoureuse : tracts à la population, lettres recommandées au maire, au préfet, au procureur, sommations d’huissier, communiqués de presse,  demande d’interpellation du ministre de l’Equipement par JP Chevènement, et même une manifestation, le 12 octobre.

 

Cette manifestation de protestation s’élevait contre les travaux de Cogifrance, mais aussi contre la complaisance manifestée par le maire, Claude Ehrhart, envers ce projet de « bétonnage », complaisance constante de l’octroi du permis de construire jusqu’à la passivité face à cette continuation illégale des travaux. Cette manifestation a rassemblé environ 200 personnes qui sont allées porter leur protestation à l’Hôtel de Ville dans une ambiance bon enfant.  (Voir la vidéo)

Le succès a été réel et la publication le lendemain d’un article dans Le Monde finit de dissuader le groupe Cogifrance d’insister. Le numéro de novembre de « l’envol de Chilly » (prix de vente : 1 franc !) est, à juste titre, un véritable bulletin de victoire.

 

 

Epilogue de l’histoire : le permis a été finalement annulé par le tribunal administratif le 10 septembre 1975, et c’est l’Etat qui a été jugé entièrement responsable des conséquences dommageables de l’interruption de ces travaux. En effet, jusqu’à la décentralisation mise en œuvre par F Mitterrand en 1983, le maire accordait les permis de construire au nom de l’Etat. La responsabilité de l’Etat était donc engagée, puisque, comme le Conseil d’Etat l’a souligné dans un dernier arrêt du 9 juillet 1982,  c’est bien le maire de Chilly-Mazarin, Claude Ehrhart, qui avait commis la faute de délivrer ce permis illégal. (Conseil d'Etat, 9 juillet 1982, n° 30487)