Jocelyne KOCHER

Témoignage

Septembre 2016

Je suis arrivée à Chilly-Mazarin, village peuplé essentiellement de maraîchers, le 7 mars 1945.
Âgée de 4 ans et 3 mois alors que maman venait de décéder, je rejoignais ainsi  ma grande sœur à « l'Asile École » du 30 avenue Mazarin devenu aujourd'hui l’IMPRO Valentin Haüy.

C'était une maison pour enfants dits « débiles », gérée par des religieuses. Quand je suis arrivée, la directrice était laïque : Mme Shofelberger. On a appris à jouer la comédie : une sœur nous lisait le texte et j'écrivais les rôles en braille. J'ai commencé à apprendre le piano à 5 ans. Je suis devenue l'organiste de l'école de 1960 à 1972.
Les « grandes » avaient créé une chorale à 3 voix. Normalement elles auraient dû partir mais les sœurs n'ont pas voulu qu'elles aillent à l'hospice. Alors elles ont fait construire un agrandissement qu'on appelait « le bâtiment »

Je garde de très bons souvenirs mais la maison était trop petite : petites et grandes étaient mélangées. Mais on a aimé les sœurs ; c'est grâce à elles que nous sommes devenues ce que nous sommes.
J'ai aimé cette vie à l'école rythmée par les cloches depuis 7 heures le matin jusqu'au silence du dortoir le soir
A partir de 1960 l'école est devenue un établissement sous tutelle d’état et les sœurs ne pouvaient plus faire ce qu'elles voulaient. Les dernières sœurs sont parties en 1976.

J'ai aimé les liens avec les maraîchers : M. et Mme Mondet dont la ferme était située sur l'actuel emplacement du Garage Renault, nous donnaient des légumes. Pour les remercier les sœurs préparaient un compliment que nous récitions. Les fermes des Gibouri et des Dartois étaient très proches aussi : ils nous faisaient profiter de leur production.
Des membres de ces familles vivaient encore à Chilly dans les années récentes (Melle Martignon ; Ginette ? Dartois qui habitait à l’emplacement de l’Arpage). Certains y vivent encore : issus des familles Dartois (Mme Lavallée) et Mondet (Mme Mondet) par exemple.

Les sœurs nous emmenaient aussi plus loin, chez M. et Mme Lequite, pour ramasser des pommes. Leur potager était très beau. Il produisait de la rhubarbe et des cerises.
On allait chercher le lait chez Mouthon aux Dînes Chiens.
Plus tard Mme Bredi venait à cheval nous apporter le lait. Comme je faisais le ménage à la porterie, je l'entendais arriver et je gardais le cheval, je le caressais.
Plus tard encore, en 1965, le laitier passait déposer le lait devant la porte, puis dans le carré Médicis qui conduisait à la chapelle.
Une mercière, Mme Marthe Bender, a voulu s'occuper de nous en apprenant que notre maman était morte. Nous l'appelions maman Marthe. J'ai joué de l'harmonium pour le mariage de sa belle-fille ainsi que pour son enterrement (elle est décédée à l'Arpage).

Chilly-Mazarin ne me déplaisait pas. J'aimais beaucoup les kermesses communales, la fête de Saint Étienne le 1er août avec les manèges et les chevaux de bois (il n'y avait pas les Mazarinettes à l’époque !). C'était une vie de village.
Mme Olive nous permettait d'aller dans le parc de Bel Abord avec une sœur mais il fallait faire attention aux mines. On y passait l'après midi entier.

La chapelle de l’établissement a été construite dans les années 30. C'était un véritable bijou. Des habitués venaient tous les jours comme Mme Olive et Mme Ratt. Elle a été détruite en 1988 : c'était le deuil sur le marché.

J'ai appris à jouer de l’Harmonium à 2 élèves. J'ai commencé à jouer aux cérémonies religieuses quand le père Leroy cherchait un organiste bénévole. J'ai continué avec les enterrements jusqu'en 2005.

Le changement a commencé en 1960. Chilly est devenu une petite ville quand le château de Bel Abord a été détruit et la première résidence construite.

Après 1960 j'ai continué à aimer Chilly :

la mairie, Gérard Funès et son équipe (ils sont venus avec Gérard Proux chercher mon orgue pour l’amener à l’Arpage), c’est Madame Lasseron qui a permis que ma sœur entre à l'Arpage .
Bien qu'il soit de gauche j'ai toujours voté pour Gérard Funès et ensuite pour Rafika Rezgui : j'admire la réussite de cette jeune femme d'origine arabe.

Dans la rue je rencontre souvent Marez qui me fait traverser.
J'aime la paroisse mais je préfère l'église Notre Dame du Concile qui est plus vivante que Saint Étienne.
J'aimais bien l'atelier tricot et céramique de Mme Lavergnes à Morangis mais j'aurais préféré qu'il soit à Chilly où l'ambiance est plus jeune.

J'aimais aller au « Mouthon qui Fume » qui vendait des audio disques

Je serai bien restée à Chilly si l'opportunité de partir à Marseille ne s'était pas présentée pour Sylvaine et moi, mais je ne souhaitais pas entrer à l'Arpage.